Le discours de Nicolas Sarkozy

Le week-end dernier, les questions relatives à la scolarité et à la jeunesse se sont invitées dans le débat politique. Lors de l’université d’été des jeunes populaires, Nicolas Sarkozy y a consacré une bonne partie de son intervention et proposé des pistes d’actions et de réflexion tout à fait concretes. Le langage de vérité employé, qui nous rappelle un certain nombre de devoirs et d’obligations collectives, me paraît particulièrement positif. Pour que chacun puisse en juger, je vous propose de prendre connaissance de son discours.

Le week-end dernier, les questions relatives à la scolarité et à la jeunesse se sont invitées dans le débat politique. Lors de l’université d’été des jeunes populaires, Nicolas Sarkozy y a consacré une bonne partie de son intervention et proposé des pistes d’actions et de réflexion tout à fait concretes. Le langage de vérité employé, qui nous rappelle un certain nombre de devoirs et d’obligations collectives, me paraît particulièrement positif. Pour que chacun puisse en juger, je vous propose de prendre connaissance de son discours.

Nicolas Sarkozy, Président de l’Union pour un Mouvement Populaire

Université d’été des jeunes populaires UMP Marseille – dimanche 3 septembre 2006

A vous voir si nombreux, je n’ai qu’un mot à la bouche pour exprimer mon émotion ce matin mais, chacun doit le comprendre, c’est vraiment du fond du cœur que je veux vous le dire : merci !

Longtemps j’ai réfléchi à ce que la politique avait à dire à la jeunesse. Longtemps je me suis demandé comment il fallait parler en tant qu’homme politique à une jeunesse qui a cessé d’écouter les hommes politiques et surtout de leur faire confiance.

Si elle ne les écoute pas c’est parce qu’elle ne les comprend pas. Si elle ne leur fait plus confiance c’est parce qu’elle a le sentiment qu’elle a souvent été trahie. C’est conscient de cette réalité que j’ai appelé à une rupture dans nos comportements, dans nos méthodes, dans notre façon d’appréhender le débat d’idées. Aujourd’hui je persiste et je signe : la rupture est nécessaire.

Toute jeunesse a quelque chose à prouver. Elle a besoin de croire qu’elle peut transformer le monde. Elle a besoin d’imaginer que tout est possible. Elle rejettera la classe politique si celle-ci continue à répéter : « je n’y peux rien ». Elle condamnera une politique qui prétendra construire le monde de demain avec les idées d’hier.

Je veux une politique qui rende possible ce qui est nécessaire. Je veux tourner le dos à une politique qui explique que ce qui est nécessaire est impossible.

Cette fascination pour la fatalité coupe les ailes de la jeunesse. Mais en coupant les ailes de la jeunesse, chacun doit être conscient que l’on coupe les ailes à la société tout entière. Car dans un monde où les rêves de la jeunesse ne se réalisent jamais, les portes de l’avenir se ferment pour tous, quel que soit leur âge. C’est quand la jeunesse commence à devenir une espérance que l’histoire cesse d’être un recommencement pour devenir une invention. C’est quand les hommes de la Renaissance se sont mis à croire que tout était possible que tout a pu changer. La Renaissance s’est laissée alors porter par les rêves de la jeunesse.

Jeune, j’ai été ému par la prière de Michel-Ange : « Seigneur accordez-moi la grâce de toujours désirer plus que je ne peux accomplir ». C’est ce que je veux souhaiter à chacun de vous, que dans vos vies vous gardiez toujours l’envie de vous surpasser, le désir de réaliser, la volonté de faire de votre existence quelque chose de grand et de fort. L’histoire nous enseigne que c’est de l’imagination fiévreuse de la jeunesse que sont sorties toutes les grandes révolutions des temps modernes.

La Révolution Française a été accomplie par des jeunes gens. Les fédérés marseillais qui montaient à Paris en 1792 n’avaient pas 20 ans pour la majorité d’entre eux. Les soldats de l’An II n’étaient pas plus vieux et ils étaient commandés par des généraux de 25 ans. Après avoir été les héros de Valmy, de Jemmapes et de Fleurus, ils eurent l’énergie d’être encore les acteurs d’Austerlitz, d’Iéna et d’Eylau… Quand la Révolution fut terminée, quand Napoléon eut cessé « de faire ses plans de bataille avec les songes de ses soldats endormis », leurs enfants s’éveillèrent de leurs rêves de gloire et de conquête. « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse ». Elle se releva pour inventer le romantisme, la peinture moderne, la révolution industrielle.

Quand le XXe siècle s’ouvrit ce furent encore des poètes et des peintres de 20 ans et des savants de 26 ans qui refirent le monde.

En 14-18 la jeunesse française fut héroïque. Sur 1,3 million de morts un tiers avaient moins de 30 ans. En 18 on mobilisa les jeunes Français à 18 ans. Après l’armistice, une fois de plus assise sur un monde en ruines, cette jeunesse meurtrie, à peine sortie du massacre était convaincue que le monde était absurde et que l’homme était seul. Et pourtant elle aussi sut se relever. Elle fit jaillir de sa souffrance et de son doute le surréalisme, le cubisme. Elle échoua hélas à faire mettre la guerre hors-la-loi.

En 40 les premiers résistants avaient à peine 16 ans. Les cinq martyrs du lycée Buffon avaient entre 15 et 18 ans quand ils furent assassinés par l’occupant. Guy Môquet 17 ans et demi quand il fut fusillé. Il écrivit à ses parents avant de mourir : « J’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. 17 ans et demi… Ma vie a été courte ! Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous ». On peut être grand quand on a 17 ans… Ses camarades gravèrent sur les murs de leur cellule « nous vaincrons quand même ». La jeunesse ne doit jamais s’avouer vaincue…

Cette génération de la Résistance, rescapée des camps et des maquis, dont l’épreuve avait décuplé l’ardeur, voulut réussir là où ses pères et ses grands-pères avaient échoué. De l’âme blessée de cette jeunesse, de son innocence perdue d’avoir vu de si près la mort et la barbarie, de ses mains encore tremblantes d’avoir tenu les armes, jaillit la reconstruction, les Trente Glorieuses, la décolonisation, l’Europe, et la sécurité sociale. La jeunesse peut être invincible…

Après le drame algérien, sur fond de guerre du Vietnam et de guerre froide une génération nouvelle se leva à son tour. Elle proclama vouloir vivre sans contrainte et jouir sans entrave. En mai 68, au plus fort de la révolte étudiante, Georges Pompidou avait dit : « je ne vois de précédent dans notre histoire qu’en cette période désespérée que fut le XVe siècle, où s’effondraient les structures du Moyen-Age et où, déjà, les étudiants se révoltaient en Sorbonne… ».

En juin 1969, alors qu’il venait d’être élu Président de la République, il déclarait : « Le monde a besoin d’une Renaissance et aucun de ceux qui détiennent des responsabilités – qu’elles soient politiques, économiques, sociales, intellectuelles ou proprement spirituelles – n’a le droit de penser qu’il n’est pas concerné ».

Le progrès matériel ne suffisait plus à la génération de mai 68. Elle aspirait à l’idéal. Elle y aspirait d’autant plus qu’elle était l’enfant du plein emploi et de la croissance. Elle dilapida l’héritage sans apporter ce supplément d’âme dont elle dénonçait le manque. Elle installa partout, dans la politique, dans l’éducation, dans la société, une inversion des valeurs et une pensée unique dont les jeunes d’aujourd’hui sont les principales victimes. Au cœur de cette pensée unique qu’ici je veux dénoncer, il y a le jeunisme, cette idéologie qui dit à la jeunesse qu’elle n’a que des droits et que tout lui est dû. C’est faux.

Il y a, dans le même temps, la dévalorisation du travail et le mépris pour les travailleurs. J’ose le mot car il ne m’écorche pas la bouche. J’ai toujours fait du travail une valeur cardinale de ma vie.

Une partie de la gauche a fait sienne cette idéologie du jeunisme et des 35 h forcées. Elle a trahi la gauche de Jaurès et de Blum. Quand Jaurès disait aux lycéens : « Il faut que, par un surcroît d’efforts et par l’exaltation de toutes vos passions nobles, vous amassiez en votre âme des trésors inviolables » c’était le contraire du nivellement prôné par la gauche d’aujourd’hui.

Quand Blum leur disait : « l’émulation scolaire est une forme de l’égalité vraie, qui n’est pas l’uniformité, mais le développement entièrement libre des puissances individuelles » c’était le contraire de l’égalitarisme vanté par la gauche d’aujourd’hui.

La gauche qui a trahi c’est celle, héritière de mai 68, qui demande aux enfants ce qu’ils ont envie d’apprendre, qui dit à l’élève qu’il est l’égal du maître, qui part en guerre contre l’élitisme républicain qui traumatiserait les mauvais élèves, qui explique aux professeurs que pour enseigner les mathématiques à Paul il faut d’abord connaître Paul plutôt que les mathématiques, et qui promet qu’on donnera le bac à tout le monde. Cette gauche là, au final, accepte la pauvreté pour peu qu’il n’y ait que des pauvres, tolère les retards pour peu que personne ne soit à l’heure, s’accommode des injustices si chacun en est également la victime. Cette société là, je veux le dire clairement, je n’en veux pas.

Je refuse d’expliquer que le niveau de l’enseignement monte alors qu’il n’y a jamais eu autant d’enfants qui ne savent ni lire ni écrire, que la méthode globale est une réussite, que la démocratisation de l’enseignement est un succès. La vérité c’est que les étudiants qui se sont révoltés en mai 68 étaient des enfants gâtés par les 30 glorieuses. Vous êtes les enfants de la crise. Ils ont vécu sans contraintes. Vous payez aujourd’hui la facture.

Vous voyez le chômage, la précarité, l’exclusion et vous vous posez tant de questions sur votre avenir. Vous voyez la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et vous enragez de voir la patrie des droits de l’homme mettre au 2ème tour d’une présidentielle Jean-Marie Le Pen. Vous voyez des gens qui dorment sur le trottoir et l’enfant du tiers monde qui meurt de faim. Vous voyez des malheureux qui sur leur pirogue affrontent l’océan pour gagner ce qu’ils croient être la terre promise et qui perdent la vie avant de toucher le rivage. Et vous n’acceptez pas que le monde qui n’a jamais été aussi riche laisse autant de pauvres sans perspective. Vous voyez la planète saccagée et vous êtes révoltés de voir l’humanité danser sur un volcan.

Au milieu de tant d’espoirs, de rêves et de promesses que vous offre le monde, au milieu de tous les obstacles que la société dresse devant vous et qui vous empêchent de prendre votre élan j’ai conscience que la jeunesse hésite sans cesse entre la joie de vivre et la peur de vivre. Le jeune internaute qui s’enferme dans son monde virtuel a peur du monde réel comme le jeune qui s’enferme dans son quartier a peur du monde extérieur. Le jeune qui allonge indéfiniment ses études a peur du monde du travail, comme le jeune qui se drogue a peur de lui-même. Mais on ne peut pas vivre en s’enfermant ou en fuyant.

Je vous demande de m’aider à agir si vous ne voulez pas subir. Dans la vie il y a les spectateurs et il y a les acteurs. Il y a ceux qui regardent et il y a ceux qui agissent, ceux qui ont des désirs et ceux qui les réalisent. La France a besoin des rêves et des désirs de sa jeunesse. Mais à quoi servent les rêves inaccomplis ? Désirer une France nouvelle sans être capable de la construire ou bien chercher à la construire sur des utopies comme les trente cinq heures c’est se condamner à l’échec. La France sera réveillée par ceux qui se lèvent tôt, par ceux qui retroussent leurs manches pour réaliser leurs rêves. Oui, il est possible de construire la France dont vous rêvez et je veux la construire avec vous. Nous la construirons ensemble.

Je ne suis pas venu pour proposer le nième plan quinquennal pour la jeunesse. Je suis venu vous demander d’être l’âme du changement, d’être les acteurs d’une rupture dont je suis certain, qu’au fond de vous-même, vous l’appelez de vos vœux. Je vous demande par dessus tout de recommencer à espérer parce que si nous sommes ensemble, unis, déterminés, tout sera possible.

Vous voulez la vérité ! Cela tombe bien : je refuse le mensonge !

La vérité c’est qu’à vous maintenir indéfiniment dans un état de dépendance et d’assistance, on risque de vous faire perdre l’estime de vous-mêmes. La vérité c’est qu’on ne rend pas service à la jeunesse en dépréciant l’effort. On ne rend pas service à la jeunesse en disqualifiant le mérite. Pourquoi travailler à l’école si la société ne reconnaît pas la valeur du travail ? Comment croire à la valeur de l’effort si l’école ne l’a pas inculqué ?

On ne rend pas service à la jeunesse en détruisant l’autorité du professeur et la légitimité du savoir. On ne rend pas service à la jeunesse en l’enfermant dans la « culture jeune » et en lui enseignant qu’il est inutile qu’elle perde son temps avec tout le reste. On ne rend pas service à l’élève de 4e auquel on demande d’écrire une autre fin au « Cid » comme s’il était le rival de Corneille. On ne rend pas service à la jeunesse en lui enseignant que tout se vaut. On ne rend pas service à la jeunesse en lui faisant croire que tout est gratuit.

La vérité c’est que la jeunesse n’excuse pas tout.

La vérité c’est que si la société a des devoirs envers la jeunesse, la jeunesse a aussi des devoirs envers la société, que si la famille a des devoirs vis-à-vis de ses enfants, les enfants ont des devoirs vis-à-vis de leur famille.

La vérité c’est qu’on ment à la jeunesse en l’infantilisant.

Je ne suis pas venu vous proposer de vous aider à rester des enfants. Je suis venu vous proposer de vous donner les moyens de devenir des adultes à part entière. Je ne suis pas venu vous proposer de construire votre avenir à votre place. Je suis venu vous proposer de construire ensemble une société où chacun recevra selon son mérite et où chacun aura sa chance. Je ne veux pas briser vos rêves. Je veux vous donner les moyens de les vivre. Je veux vous rendre non la certitude d’un avenir tout tracé, mais l’espoir que vous pourrez vivre la vie que vous aurez choisie. Je veux vous rendre l’espoir que vous pourrez vous construire une vie meilleure, que l’avenir peut cesser d’être une menace pour redevenir une promesse. Je veux vous redonner ce qu’on vous a fait perdre de plus précieux : l’envie d’avoir envie. A ceux qui veulent partir, je veux redonner l’envie de rester. A ceux qui sont découragés, je veux redonner l’envie de réussir. A ceux qui ne veulent plus rien, je veux redonner l’envie de vouloir. Je veux redonner à chacun l’envie de relever tous les défis.

Aux enseignants je veux dire comme Jules Ferry : « formez des hommes, non de grands enfants ». Je veux leur dire : vous faites un métier formidable, le plus beau, celui qui transmet le savoir -ce métier, vous le faites dans votre immense majorité en vous donnant pleinement à ce qui pour vous est une vocation- vous avez une autorité à reconquérir. L’Etat peut vous y aider mais vous avez le devoir de le vouloir, parce que le rapport du maître à l’élève ne peut pas être un rapport d’égalité, même si l’élève a vocation, un jour, à dépasser le maître. L’école, dans le primaire et dans le secondaire, ce n’est pas la délibération, ce n’est pas le colloque permanent. L’école c’est la transmission des savoirs, des normes et des valeurs et au premier rang d’entre elles, de celle du respect.

Je veux une école du respect où les élèves se lèvent quand le professeur arrive, où l’élève différent n’est pas victime de la vindicte des autres, où celui qui a eu le moins de chance en aura autant de réussir que celui que la vie a ménagé. Je veux leur dire aussi que leur mission n’est pas l’intégration à une société qui est de toute façon la leur, mais la préparation à la vie dans cette société, que la partie de la jeunesse qui souffre le plus ne vit pas une crise de l’intégration mais une crise du rapport à soi et du rapport aux autres, une difficulté croissante à vivre en société, à vivre avec soi, même parmi les autres. Je veux dire aux pédagogues que s’il ne faut pas écraser la personnalité de l’enfant, ni étouffer sa spontanéité, qu’il faut l’encourager à développer toutes ses potentialités, il ne faut pas pour autant renoncer à l’instruire.

Je veux leur dire aussi que si la jeunesse sait d’instinct qu’elle conquiert sa liberté en apprenant à dire non, ce n’est pas une raison pour lui dire toujours oui. Aux parents, je veux dire qu’ils ont une responsabilité primordiale dans l’éducation de leurs enfants et qu’ils ne peuvent s’en exonérer. Je veux leur dire que la société peut et doit les aider à assumer cette responsabilité. Mais je veux leur dire aussi qu’ils seront tenus pour responsables de ne pas avoir voulu l’assumer.

A ceux qui sont encore à l’école, et qui ont à apprendre. A ceux qui sont sur le point d’achever leurs études mais qui seront demain les éducateurs de leurs enfants, je veux dire que la vie est un combat. Je veux dire qu’il n’y a d’appropriation d’un héritage culturel que si celui-ci est conquis et pas seulement hérité. Je veux dire par-dessus tout que tout se mérite, que rien n’est acquis, que rien n’est donné. C’est bien tout cela qui, au final, confère à l’homme sa dignité et sa liberté.

Vous voulez l’égalité ! Je la veux avec vous.

Je veux que la société vous permette de devenir des adultes, des adultes comme les autres, avec les mêmes devoirs mais aussi les mêmes droits, et la même considération, pas des adultes qu’on traite comme des enfants, pas des adultes qu’on met deux ans à l’essai, qu’on peut licencier sans explication, qu’on peut payer avec un demi-SMIC, pas des adultes au rabais mais des adultes à part entière qu’on respecte, dont on reconnaît le talent, la compétence, le travail, à leur juste valeur. Des adultes auxquels leur travail procure de quoi se loger, de quoi vivre, de quoi fonder une famille. Je veux pour vous les mêmes opportunités quand vous avez fait les mêmes études et ce, quel que soit le quartier d’où vous venez, quelle que soit la consonance de votre nom, ou la couleur de votre peau. Vous voulez la justice et l’équité entre les générations parce que les générations qui vous ont précédés ont les créances et que vous aurez les dettes.

Je vous propose de relever le défi de la République.

Je suis de ceux qui pensent qu’elle ne fait pas assez de place à la diversité. Je vous propose une République plus respectueuse de la différence. Je ne veux pas d’une République de l’égalitarisme et du nivellement. Je vous propose une République fondée sur le mérite et où chacun aura sa chance, où l’on ne craindra pas de compenser les handicaps économiques, sociaux, éducatifs par une discrimination positive qui sera l’autre nom du volontarisme républicain ou de l’égalité réelle, et qui témoignera de notre volonté de combattre les injustices. Dans la République personne ne doit être laissé de côté. Mais il ne peut pas y avoir de solidarité sans contrepartie. Je vous propose une République où les droits seront la contrepartie des devoirs. Je vous propose une République qui renouera avec le civisme comme fondement d’une morale partagée et du lien social.

Je vous propose de réinventer la République en créant un service civique par lequel chaque jeune Français entre 18 et 30 ans donnera aux autres 6 mois de son temps. Ce service pourra être effectué en une fois ou fractionné, à temps plein ou à temps partiel, réalisé en France ou à l’étranger, dans toute activité revêtant un caractère d’intérêt général. Faut-il qu’il soit obligatoire ? Ce mot ne me fait pas peur. Je crois qu’après une expérimentation à grande échelle, car l’entreprise est ambitieuse et complexe, il faut qu’il le soit. Il n’y a pas de République sans obligations de chacun envers tous. Il y a dans l’obligation une pédagogie du devoir et une exigence morale qui permettront à la jeunesse de donner le meilleur d’elle-même et qui imposeront à toute la société de faire une place à la jeunesse. Mais dans sa mise en oeuvre cette obligation ne doit pas être un obstacle de plus pour les études ou pour l’entrée dans la vie active. Elle doit être adaptée aux situations, aux parcours, aux aspirations de chacun. Elle doit pour certains être l’occasion d’engager une formation qui a manqué. Elle doit offrir à chacun un enrichissement, une expérience, un moyen de se réaliser, une occasion de s’engager pour une cause qui lui tient à cœur.

Jeunes Français, la République est à vous. La République c’est vous. Vous la trouvez austère et exigeante, intransigeante parfois, mais vous lui devez beaucoup. En lui donnant un peu de vous-même vous manifesterez votre appartenance à cette communauté d’hommes libres, égaux en droits et en devoirs. Car la République est l’affaire de tous. Votre pays a besoin de vous. La société a besoin de vous. Soyez au rendez-vous de la France.

Ne vous y trompez pas, sans la République vous n’aurez pas plus de liberté individuelle, pas plus de justice et de démocratie. Vous aurez le communautarisme, la loi des tribus, chacun renvoyé à ses origines ethniques, à sa religion, vous aurez la citoyenneté à géométrie variable, vous n’aurez pas moins d’intolérance mais davantage. La République n’est pas un choix. Pour chacun de nous, ce doit être une exigence et un devoir.

Avec vous je veux construire la République du 21ème siècle où sera reconnu le droit pour chacun de faire quelque chose de sa vie et non le droit pour tous de se laisser vivre. Pour cela je vous propose cinq droits nouveaux.

Le premier de ces droits est le droit à l’excellence dans l’éducation et la formation.

Vous voulez être libres ! Vous avez raison. Sachez que cette liberté se mérite. L’ignorant ne peut pas être libre.

L’éducation c’est d’abord la famille si fragilisée par la vie moderne, et pourtant si précieuse pour l’enfant par l’amour, par la protection, par la solidarité qu’elle lui offre, par les valeurs qu’elle est la seule à pouvoir transmettre. Dans le désarroi d’une partie de la jeunesse, il y a des familles désemparées qui n’arrivent plus à faire face à l’éducation de leurs enfants. Ces familles, il faut les aider. Il faut aider la jeune mère trop vite sortie de la maternité. Il faut aider les jeunes parents dans ces premières années d’éducation qui vont peser si lourd par la suite. Je propose qu’on fasse faire les devoirs à l’école pour que l’enfant dont les parents travaillent ne soit pas livré à lui-même. Mais le meilleur service que l’on puisse rendre aux familles c’est la qualité de l’école.

Contre l’angoisse des familles qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants, contre le nivellement par le bas, contre la dévalorisation des diplômes, je vous propose un projet éducatif fondé sur l’excellence. Je ne veux pas installer une sélection qui ne serait que le paravent d’une politique malthusienne qui réserverait les études supérieures à une toute petite fraction de la jeunesse. Mais je ne veux pas non plus d’études supérieures qui soient synonymes d’échec, de déqualification et de chômage. Je veux qu’un nombre plus important de jeunes aient accès à l’enseignement supérieur. Mais je veux que ce soit pour accroître leurs chances de réussite.

Oui, je l’assume, je veux relever le niveau d’exigence de sorte que chacun soit incité à l’effort et au dépassement de soi, de sorte aussi, pourquoi ne pas le dire, que ceux qui n’ont pas envie de travailler ne puissent pas empêcher ceux qui veulent étudier de le faire. Je propose d’en finir avec le passage en 6e d’enfants qui ne savent ni lire ni écrire, car c’est les condamner à un échec certain. Je propose d’en finir avec le passage automatique dans la classe supérieure jusqu’en 3e des élèves qui n’arrivent pas à suivre, car c’est les condamner à en faire des exclus au sein de notre école républicaine.

Je propose que lorsque les handicaps sont trop lourds on organise des classes de 15 élèves et que soient créés pour les bons élèves issus de familles modestes des internats d’excellence, pour que chacun ait la chance de bénéficier d’un environnement favorable. Je propose d’en finir avec l’abaissement du niveau du bac pour pouvoir le donner plus facilement à tout le monde.

Je propose d’en finir avec l’obligation pour l’université d’accueillir des étudiants qui ne sont pas suffisamment préparés aux études supérieures, au point que les deux tiers d’entre eux abandonnent avant la fin de la deuxième année. A l’amertume s’ajoute la perte de temps. Je propose que l’Université reçoive davantage de moyens mais qu’elle soit plus autonome, plus proche du monde de l’entreprise, plus impliquée dans la recherche, qu’elle puisse réguler l’accès à certaines filières dont les débouchés sont faibles, pour qu’enfin tant d’étudiants ne se retrouvent plus engagés dans des voies sans issues.

Je propose de construire ensemble un projet éducatif qui aura pour finalité de faciliter le passage de la jeunesse à l’âge adulte, non de le retarder. Je veux construire une école qui donne envie d’apprendre. Je veux construire une école qui renoue avec une conception exigeante de la culture et du savoir. Je veux construire une école capable d’être le creuset d’une culture commune. Chacun est libre de mettre ce qu’il veut dans le mot « culture », libre de trouver son plaisir où il l’entend. Je n’ai jamais partagé l’idée selon laquelle la culture populaire serait une sous-culture, la chanson serait un art mineur, et la valeur d’une œuvre d’autant plus grande qu’elle serait ésotérique et confidentielle. Chaque génération invente des formes de pensée, d’art et de culture, des idéaux, des manières de vivre qui lui sont propres. Vous êtes en train d’inventer les vôtres.

Vous êtes la génération de la communication et des marques. Vous êtes la génération d’internet, du portable, du rap et de la techno. Nul ne refera le monde d’avant les SMS, les blogs et les jeux vidéo. Nul ne refera le monde d’avant la société de consommation, d’avant la globalisation. Mais il faut s’entendre sur le rôle de l’école. L’école n’est pas faite pour apprendre aux jeunes à être jeunes.

L’école est là pour vous donner les moyens de penser par vous-même, pour vous mettre en contact avec les plus grandes œuvres de l’esprit, pour vous apprendre à faire la différence entre Madame Bovary et un compte-rendu de fait-divers dans un journal, entre Antigone et Harry Potter. Après, vous lirez ce que vous voudrez.

La démocratisation de la culture c’est se donner les moyens de faire comprendre et aimer Sophocle, Shakespeare ou Racine au plus grand nombre. Ce n’est pas supprimer Sophocle, Shakespeare ou Racine des programmes pour qu’un plus grand nombre d’élèves puisse suivre plus facilement. Ce n’est pas alléger le programme de mathématiques pour faciliter la vie de ceux qui doivent faire un effort. C’est faire aimer et comprendre les mathématiques même à ceux qu’elles rebutent. La démocratisation de la culture c’est qu’un nombre de plus en plus grand de jeunes s’engage dans la vie avec dans la tête des notions de science et d’humanité qui leur permettront de se comprendre et de comprendre le monde. C’est qu’un nombre de plus en plus grand de jeunes affrontent l’existence avec l’esprit ouvert pour accueillir toute la beauté du monde et les moyens d’exprimer ce qu’ils éprouvent.

Les maîtres qui ont enseigné à ma génération nous ont fait un cadeau dont alors nous n’imaginions pas le prix en nous faisant réciter les fables de La Fontaine et quelques vers de Verlaine ou de Victor Hugo. C’est le drame d’une partie de la jeunesse actuelle de n’avoir pour s’exprimer que la violence ou le repli sur soi parce qu’on ne lui a pas donné la culture. Vous ne perdrez jamais votre temps avec les grandes œuvres de l’esprit. Elles auront toujours quelque chose à vous inspirer. Vous ne perdrez jamais votre temps avec les peintres, les poètes et les musiciens parce que les peintres, les poètes et les musiciens vous feront voir la beauté des choses. Ils vous apprendront à exprimer l’indicible. Vous ne perdrez jamais votre temps avec les savants et les philosophes. Ils vous apprendront à chercher votre vérité. Mais je veux construire une école qui n’opposera pas le corps et l’esprit et qui ne confondra pas le sport avec l’éducation physique. Je veux construire une école où le sport sera considéré comme une discipline fondamentale parce que le sport est une morale de l’effort et une éthique. Parce que le sport c’est le dépassement de soi et le respect des autres. Je veux construire une école où la culture technique sera partie intégrante de la culture générale et qui fera découvrir aux élèves les cultures et les métiers de l’artisanat pour que chacun puisse choisir sa voie en fonction de ses goûts et pas seulement à travers la sélection par l’échec. Je veux que l’apprentissage soit une vocation et non un pis aller. Au fond je veux que l’apprentissage devienne une filière d’excellence

Vous voulez trouver un emploi ! C’est une juste revendication. Et ma plus grande ambition c’est que dans 5 ans le taux de chômage soit tombé dans notre pays à 5 %. Vous voulez vivre de votre travail ! Ce doit être un droit pour chacun.

Alors je vous propose de relever le défi du chômage de la seule façon possible, en revalorisant le travail parce que c’est le travail qui crée le travail. Je vous propose de moins taxer le travail pour enrichir le contenu en emploi de la croissance. Je vous propose de gagner plus si vous travaillez plus. Je vous propose de ne plus payer aucun impôt ni aucune charge sur les heures supplémentaires. Je vous propose d’encourager l’embauche en sécurisant les parcours professionnels plutôt que les emplois, c’est-à-dire en faisant en sorte que chacun ait un emploi, tout en acceptant que l’emploi change. Je vous propose de remplacer la logique du partage par celle de la croissance, car il faut créer la richesse avant de la distribuer.

Je vous propose de relever le défi de la société de la connaissance. Dans la société de la connaissance c’est la formation qui fait la compétitivité. Dans la société de la connaissance c’est le capital humain qui fait la croissance. Dans la société de la connaissance on ne peut pas s’arrêter d’apprendre. Dans la société de la connaissance on ne peut pas vivre sur ses acquis. Dans la société de la connaissance l’inégalité d’accès au savoir est la pire des inégalités. Dans la société de la connaissance l’égalité des chances c’est donner à chacun tout au long de sa vie l’accès au savoir.

Le deuxième droit nouveau que je vous propose, c’est le droit à l’éducation et à la formation tout au long de la vie.

Je vous propose non un nouveau droit pour la jeunesse, mais un droit pour tous grâce auquel la jeunesse d’aujourd’hui pourra construire le monde de demain. Je propose que soit reconnu à chacun un droit à l’éducation et à la formation, que chacun reçoive un compte épargne formation c’est-à-dire un capital initial de formation par exemple de 20 années qui s’épuisera au fur et à mesure des années d’études et qui se reconstituera au fur et à mesure que les années d’activité professionnelle amèneront de nouveaux droits. Je propose que ces droits soient librement transférables, qu’ils soient applicables à tous les types de formation qu’elles soient intellectuelles ou professionnelles, sous forme scolaire, sous forme de stages ou en alternance.

Je propose qu’en même temps que seront améliorées les bourses et les facilités de logement des étudiants, l’on crée pour eux un système de prêt à taux zéro garanti par l’Etat. Il s’agit d’opérer une véritable révolution culturelle. Il s’agit de changer les mentalités et les comportements. Il s’agit de passer entre la société et les jeunes qui veulent étudier, qui veulent se former, un contrat qui comporte des droits et des devoirs. Le droit à la formation tout au long de la vie va du reste obliger toute la société à une réflexion en profondeur sur l’autonomie de la jeunesse étudiante.

Il faut que soit reconnu un véritable droit à la deuxième chance. C’est le troisième droit nouveau que je vous propose. Je propose que soient étendues et multipliées les formules comme le Conservatoire National des Arts et Métiers ou la capacité en droit qui permettent à n’importe quel âge de poursuivre les études supérieures sans le bac. Je propose que le compte épargne formation comporte un volet qui soit un capital deuxième chance. Je propose que soit développé sur une grande échelle le système de l’école de la deuxième chance. Marseille a créé avec succès la première d’entre elles. Le moment est venu de tirer les leçons de cette expérience réussie et de la généraliser avec le soutien de l’Etat. L’objectif devrait être de créer au moins une école de la deuxième chance par département en cinq ans et une par bassin de 100 000 habitants en dix ans.

Le quatrième droit nouveau que je vous propose, c’est le droit à la première expérience professionnelle.

Je propose que chaque jeune puisse utiliser son droit à formation pendant les six premiers mois de sa première expérience professionnelle. Je propose que le service civique obligatoire contribue à rendre effectif ce droit à la première expérience pour tous. Ce droit aura pour contrepartie le devoir pour la société en particulier pour l’Etat, les collectivités locales, les associations qui reçoivent de l’argent public et les entreprises qui bénéficient de la commande publique d’offrir une place à tous les jeunes qui veulent se confronter au monde du travail.

Le cinquième droit nouveau que je vous propose, c’est le droit à la création.

Vous voulez être des créateurs ! Je veux vous donner les moyens de réaliser vos projets parce qu’ils portent en eux le monde de demain. Je vous propose de construire une société de créateurs et d’entrepreneurs.

Je vous propose que chaque université soit dotée d’un dispositif d’aide à la création d’entreprise. Je vous propose que les projets à buts non lucratifs soient autant soutenus que les projets à buts lucratifs. Je vous propose que des écoles de projets vous aident à réaliser vos ambitions. Je vous propose de développer le micro crédit pour financer les micros projets. Je vous propose des prêts aux jeunes créateurs à taux zéro, parce que l’intérêt c’est le prix du temps, parce qu’un taux zéro c’est un acte de foi dans l’avenir. Malraux voulait créer partout des Maisons de la culture pour mettre la culture à la portée de chacun. Dans notre époque où c’est l’intelligence collective qui enfante l’avenir, où c’est le métissage des cultures et des idées, le mélange, le brassage qui est la principale force de création dans tous les domaines, je propose de créer partout des Maisons des créateurs où se retrouveront tous ceux qui aspirent à inventer, à créer, à entreprendre dans tous les domaines, où ils pourront trouver des soutiens, des conseils, des formations, des aides, mais aussi où ils échangeront, où ils croiseront leurs expériences, leurs idées, leurs projets, où ils formeront des projets communs, où ils inventeront ensemble l’avenir.

Vous voulez être citoyens du monde. Vous le serez par votre engagement dans le combat contre la dégradation de la planète. Il faut sauver la planète des conséquences d’une suractivité humaine. Chaque être raisonnable et responsable peut et doit partager ce constat. Car la Terre est menacée de mort lente par asphyxie, par épuisement des ressources, par disparition des espèces. Quand la moitié des forêts primitives ont déjà disparu de la surface du globe, quand les glaces du Groenland fondent, quand on prévoit que les émissions mondiales de gaz carbonique vont augmenter d’au moins 75 % dans les 25 ans à venir alors que la situation est déjà critique, vous sentez bien qu’on ne peut plus attendre. L’effet de serre, la pollution des océans, le pillage des ressources naturelles n’auront pas pour effets que le changement climatique, la désertification, l’appauvrissement de la biodiversité, la dégradation de la santé ou la mise en péril de la vie des plus fragiles comme ce fut le cas lors de la canicule il y a 3 ans. Les guerres de la faim et les guerres de l’eau qui menacent le monde à venir pourraient bien être les plus terribles que l’humanité ait connues parce que ce seront des guerres désespérées.

Pour éviter demain une société de privation, il nous faut organiser aujourd’hui une société de modération. Vous sentez bien que le problème de l’environnement n’est plus seulement désormais le problème de la qualité de la vie mais le problème de la vie tout court. Votre génération ne doit pas refaire les erreurs que nous avons faites. C’est à vous qu’il appartient en priorité de sauver l’avenir. C’est à vous qu’il appartient de faire la leçon aux générations précédentes et de faire triompher le point de vue de la vie. En matière d’environnement, ce sont les jeunes qui font l’éducation de leurs parents. Quand le tri sélectif réussit à s’imposer, c’est grâce aux enfants. Quand il s’agit de sauver des espèces animales menacées de disparition ce sont les enfants qui poussent leurs parents à s’engager. Vous héritez d’un monde au bord de la catastrophe. Ce monde vous voulez le sauver parce qu’il est déjà le vôtre et parce qu’il sera celui de vos enfants et de vos petits-enfants. Mais personne ne sauvera la planète sans l’effort de chacun. Pour préserver l’avenir il faut cesser de préempter toutes les ressources des générations futures au profit des générations présentes. Il faut que chacun d’entre nous cesse de tirer des traites écologiques sur les générations à venir. Car cette dette a ceci de tragique qu’elle n’est pas remboursable. La vie détruite ne ressuscitera pas. L’équité entre les générations est une nécessité vitale et morale. Elle exige que chacun paye ce qu’il consomme. Elle exige que chaque génération supporte entièrement le coût des décisions qu’elle prend.

Vous voulez sauver la planète et vous avez raison ! Vous ne la sauverez pas avec les idéologues du retour à la nature. Vous ne la sauverez pas en reniant l’économie, la science et le progrès mais en les mettant au service d’un développement durable. Le développement durable ce n’est pas la fin du travail, c’est l’emploi durable. Ce n’est pas la croissance zéro, c’est la croissance durable. Ce n’est pas le rejet de la technique, c’est la technologie propre. Ce n’est pas l’abolition du marché, c’est le principe pollueur-payeur. Ce n’est pas la frilosité, c’est la responsabilité. Tous les partis ont failli. Nous avons tous failli. Il est temps de réagir. Je vous propose d’accomplir ensemble quatre révolutions. La première, c’est que le libre-échange ne puisse pas s’affranchir de la responsabilité écologique. Je propose que la France défende l’idée qu’à côté du droit international du commerce qui veille au respect du libre échange il doit exister avec la même force juridique un droit international de l’environnement, un droit international du travail, un droit international de la culture et de l’éducation ou encore de la santé, de sorte que la logique marchande ne soit pas la seule à prévaloir et que la loi de la concurrence et du profit ne soit pas la seule loi du monde. Chacun de ces droits doit avoir sa juridiction, et chacune doit avoir l’obligation de soumettre aux autres sous forme de question préjudicielle les questions qui ne relèvent pas de sa compétence. En attendant, la France, pour elle-même, doit donner l’exemple au monde.

La deuxième révolution que je vous propose, c’est de faire du développement durable le critère de toutes nos politiques publiques. En changeant nos modes de décision, de production, de transport. En mettant des objectifs environnementaux dans la politique de la commande publique. En consacrant deux jours du service civique obligatoire à expliquer le développement durable à tous les jeunes. En investissant massivement dans la recherche et le développement des énergies renouvelables en des énergies nouvelles. En investissant dans le nucléaire qui ne produit pas de gaz à effet de serre.

La troisième révolution que je vous propose, c’est de réformer en profondeur notre fiscalité. Puisque la délocalisation de l’emploi oblige à chercher des alternatives à la taxation du travail, je propose que l’on se décide enfin à substituer en partie la taxation des pollutions, en particulier de l’énergie à effet de serre, à la taxation du travail. Je vous propose enfin, et c’est la quatrième révolution, qu’en matière d’environnement la responsabilité des personnes morales ne soit plus limitée mais illimitée de sorte que chaque maison-mère soit pleinement engagée par le comportement écologique de ses filiales.

Il faudra aussi que la démocratie progresse. Ce sont les régimes les plus antidémocratiques qui ont été responsables de la plupart des grandes catastrophes écologiques du siècle dernier. Il n’y a pas de place pour le débat sur l’environnement dans les dictatures. Il faudra surtout que le problème du sous-développement soit résolu. Il est bien difficile de se projeter dans le futur quand on meurt de faim. Mais on ne résoudra pas le problème du sous-développement seulement par la compassion et la charité. On ne le résoudra pas non plus en développant les uns au détriment des autres. On ne nourrira pas le Tiers Monde en détruisant l’agriculture européenne mais en assurant l’autosuffisance alimentaire de chaque région du monde. On ne sauvera pas la planète en faisant du Tiers Monde la poubelle industrielle de l’Occident. Le vrai défi c’est celui du co-développement.

Je vous propose que le service civique offre la possibilité à toute la jeunesse qui le souhaite de s’engager dans les grandes causes humanitaires du monde et dans le co-développement.

Ce qui est sûr c’est que ce monde qui change a besoin d’un nouvel humanisme. Ce nouvel humanisme nous allons contribuer à le construire ensemble. Il ne peut pas avoir seulement pour but de rendre supportable à l’homme moderne sa condition tragique. Il ne peut pas être seulement une forme de consolation. Il ne peut pas être non plus une forme réactualisée du remords. Et encore moins de la bonne conscience. Mais il doit être ce par quoi nous allons pouvoir repenser le monde en termes de liberté et de volonté, ce par quoi nous allons penser l’avenir non en termes de précaution mais de responsabilité, ce par quoi nous allons penser notre rapport aux autres non en termes de charité mais de fraternité. Au fond c’est cela la noblesse de la politique : porter le débat démocratique vers le plus haut et tourner le dos à tout ce qui le rabaisse, le rapetisse, l’avilit.

Mais vous ne serez pas d’autant plus citoyens du monde que vous serez moins citoyens français. Vous serez d’autant plus citoyens du monde que vous serez davantage citoyens en France. C’est la fierté d’être Français qui rendra à la jeunesse française la force d’écrire sa propre histoire. C’est elle qui portera l’élan collectif par lequel vous redeviendrez capables de transformer le monde. La France est votre pays, c’est votre nation, c’est votre patrie et vous n’en avez pas d’autre, même si vos parents ou vos grands-parents sont venus d’ailleurs. Haïr la France c’est se haïr soi-même. Manquer de respect à la France c’est perdre sa dignité. Ne pas aimer la France quand on est Français c’est se renier soi-même. Aimez la France ! Elle le mérite. Donnez-vous les moyens de la transformer si vous trouvez qu’elle n’est pas à la hauteur de l’idée que vous vous faites d’elle. Prenez vos responsabilités, mobilisez-vous, agissez pour l’élever jusqu’à l’idéal que vous souhaitez la voir incarner. Battez-vous pour construire, non pour détruire. On ne change pas le monde en brûlant la voiture du voisin, en renversant la table, en insultant son professeur. C’est une lâcheté qui finit par devenir une complicité, que celle qui consiste à excuser l’inexcusable. Je n’ai pas l’intention de me taire devant des comportements inacceptables. La France est à vous. Elle est votre héritage. Votre bien commun. Ne lui demandez pas d’expier ses fautes. Ne demandez pas aux enfants de se repentir des fautes des pères. Ne réécrivez pas l’histoire et ne jugez pas le passé avec le regard du présent. Après la guerre De Gaulle n’a pas dit à Adenauer : « expiez d’abord, nous verrons après ». Il lui a dit : « De tant de sang et de larmes, rien ne doit être oublié mais, chacune renonçant à dominer l’autre, la France et l’Allemagne ont discerné ensemble quel était intérêt commun ». Et à la jeunesse allemande il n’a pas dit : « vous êtes coupable des crimes de vos pères ». Il lui a dit : « je vous félicite d’être de jeunes Allemands, c’est-à-dire les enfants d’un grand peuple qui parfois, au cours de son histoire, a commis de grandes fautes ». Je ne vous propose pas l’oubli des origines, le reniement de soi, l’uniformité. Je vous propose de prendre en partage un extraordinaire héritage de langue, de pensée, d’histoire, d’art, de science, de musique, de mœurs et de le faire fructifier. Ce que je vous propose c’est quelque chose en plus, pas quelque chose en moins. Ce que je vous propose c’est de retrouver les raisons d’être fiers d’appartenir à un grand peuple qui a quelquefois commis des fautes… Ce que je vous propose, c’est d’apporter votre pierre à cette culture commune qui se définit elle-même non comme un particularisme mais comme l’héritière de la raison universelle et de toutes les civilisations qui ont apporté quelque chose à l’idée d’humanité. Une culture qui depuis des siècles oppose l’universalité de ses principes au déterminisme des généalogies et des racines, ne devrait avoir aucun mal à s’accommoder d’identités multiples pourvue que la volonté de participer à une communauté de destin et de pensée soit réelle. Et si vous doutez alors écoutez, jeunes de France ce que disait Senghor le poète de la négritude : «Nous, politiques noirs, écrivains noirs, nous nous sentons, pour le moins, aussi libres à l’intérieur du Français que dans nos langues maternelles. Plus libres, en vérité, puisque la liberté se mesure à la force de création». Les enfants des Etats-Unis, qui sont une nation d’immigrés, écoutent l’hymne américain et saluent la bannière étoilée la main sur le cœur. Pourquoi les jeunes Français ne devraient-ils être fiers de leur pays que lorsque l’équipe de France marque des buts ? Chanter la Marseillaise n’est pas ringard. S’émouvoir devant le drapeau tricolore n’est pas démodé. Aimer sa patrie n’est pas dépassé. Je ne vous propose pas de défendre une exception française qui voudrait rester à l’écart des changements du monde. Nous ne sauverons pas le français face à l’anglais en interdisant à nos enfants d’apprendre l’anglais mais en leur faisant apprendre une troisième langue et en exigeant de tous nos partenaires que dans leurs trois langues il y ait le français. Nous ne retiendrons pas la jeunesse en essayant de l’empêcher de partir mais en la faisant voyager et en lui offrant la possibilité de réaliser ses rêves ici ou ailleurs. Je vous propose d’inventer un nouveau modèle français.

A la jeunesse qui a voté non à la constitution européenne malgré le formidable travail de préparation du Président Giscard d’Estaing, je veux dire : L’Europe est votre avenir parce que l’Europe est un projet de paix et de civilisation. L’Europe ne doit pas rester la propriété des spécialistes. Je vous propose de construire une Europe où les peuples se reconnaîtront dans les décisions qui sont prises en leur nom. Je ne veux pas d’une Europe condamnée à devenir une simple zone de libre-échange, je veux rester fidèle au projet d’Europe politique des pères fondateurs. Je vous propose une Europe qui se dotera de frontières car tous les pays n’ont pas vocation à intégrer l’Union. Une Europe qui ne craindra pas d’affirmer sa volonté d’établir une préférence communautaire. Au fond ce que je veux pour vous c’est une Europe qui soit une puissance pas une virtualité. L’Europe ne doit pas subir. L’Europe doit agir. L’Europe a besoin d’un souffle nouveau, d’une vision neuve de son avenir. L’idéal européen agonise ? Eh bien, ressuscitons-le ! Parce que s’il meurt, c’est l’humanisme européen qui mourra aussi. L’homme européen, l’idée qu’il se fait de la dignité humaine, son attachement à la liberté de l’esprit, ses valeurs spirituelles seront alors menacées de disparaître parce qu’aucune nation européenne ne sera par elle-même assez forte pour les opposer valablement à l’uniformisation du monde et pour faire entendre sa voix avec assez de force dans le dialogue des cultures. Malraux avait raison : « l’Europe ne sera pas un héritage, ce sera une volonté ou la mort ». Cette volonté, s’il doit y en avoir une ce doit être la vôtre.

Jeunes d’aujourd’hui on vous dit que les jeunes d’hier étaient heureux et que vous seriez condamnés au malheur. Mais souvenez-vous, elle n’allait pas très bien la jeunesse française en 1815, en 1918, ou en 1940. On dit que les jeunes sont égoïstes et qu’avant vous la jeunesse était généreuse. Mais jamais jeunesse ne s’est montrée aussi concernée par les grands problèmes humanitaires, jamais autant de jeunes ne se sont sentis aussi concernés par les grandes causes du monde qu’aujourd’hui. On dit que les jeunes n’ont pas de conscience politique. Mais la jeunesse étudiante de 68 qui célébrait Mao et Castro, tyrans du monde, en avait-elle davantage ? On dit que les jeunes d’aujourd’hui ont peu de culture. Mais jamais autant de jeunes ne sont allés aussi longtemps à l’école. Jamais jeunesse n’a su autant de choses que ses parents ne savaient pas. A qui la faute si pour une grande partie de la jeunesse la transmission s’est arrêtée ? On dit que les jeunes ont perdu leur âme. Mais jamais depuis des siècles la quête spirituelle pour autant de jeunes n’a été aussi intense et jamais jeunesse n’a exprimé autant d’exigence morale. Jean Paul II était et restera une référence pour la jeunesse du monde. Parce que sans complaisance, sans hypocrisie, sans lâcheté il a su lui parler. On dit que les jeunes sont blasés et désenchantés. Mais qui le dit ? Ceux qui empêchent de croire, de rêver, d’imaginer, empêtrés qu’ils sont dans une aigreur désabusée. Ne vous laissez pas décourager. Ne vous laissez pas dévaloriser. Ne vous avouez pas vaincus. Jeunes d’aujourd’hui vous êtes semblable à toutes les jeunesses d’hier. Comme elles vous aspirez à un monde meilleur. Comme elles vous avez soif d’absolu. Comme elles vous portez en vous le ferment des révolutions à venir. Comme elles ont pleuré leurs premières amours, vous pleurerez à votre tour. Et ces blessures intimes vous feront grandir. Comme elles ont vécu l’angoisse de partir vers leur propre destinée, vous la vivrez à votre tour. Jeunes de France ce qu’ont fait vos parents vous pouvez le faire aussi. Jamais le monde n’a donné à sa jeunesse autant d’opportunités. Ce qu’ont accompli les hommes de la Renaissance à partir du jour où ils se sont mis à croire que tout était possible, vous pouvez l’accomplir aussi. Comme la jeunesse de la révolution a balayé le vieux monde, comme la jeunesse de la Résistance a mis un terme à la guerre civile européenne. Comme la jeunesse tchèque a pris sa revanche sur le printemps de Prague. Comme un jour la jeunesse chinoise finira par effacer Tien-An-Men, vous changerez le monde si vous ne laissez personne vous voler vos rêves.

Tout est possible. Tout est possible si on le veut. Et ici à Marseille je suis venu vous dire que nous le voulons plus qu’ailleurs. Plus que jamais. Plus que quiconque ne l’a jamais voulu !

Partager :

Auteur/autrice : Laurent DEJOIE

Laurent DEJOIE Notaire Président de l'Association du Notariat Francophone Vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire

Une réflexion sur « Le discours de Nicolas Sarkozy »

  1. On a tous en nous quelque chose de Sarkozy… En tout cas avec ce discours, je peux vous assurer qu’il a allumé le feu. Pour avoir vécu l’évènement de près, je vous garantis qu’à entendre les "que je t’aime" de la foule, le Président de l’UMP est vraiment l’idole des jeunes. L’ensemble des propositions émises était d’autant plus séduisant, qu’il ne semblait pas tomber dans le traidtionnel "je te promets" préélectoral. Il nous a vraiment donner l’envie d’avoir envie…

Les commentaires sont fermés.