Pour une profession organisée et solidaire

« Il y a vingt ans, en 1984, je prêtais serment devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes  » de loyalement remplir mes fonctions de notaire et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent » J’étais loin d’imaginer que vingt ans après ce serait la plus éminente fonction qu’un notaire puisse occuper dans notre profession dont j’aurais l’honneur d’assumer la charge et que j’aurais à m’adresser, à travers vous, à la profession tout entière.

« Il y a vingt ans, en 1984, je prêtais serment devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes  » de loyalement remplir mes fonctions de notaire et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent » J’étais loin d’imaginer que vingt ans après ce serait la plus éminente fonction qu’un notaire puisse occuper dans notre profession dont j’aurais l’honneur d’assumer la charge et que j’aurais à m’adresser, à travers vous, à la profession tout entière.

J’exerce aujourd’hui avec mon frère et ma sœur dans une étude de trente personnes. Celle-là même où mon arrière grand-père s’installait en 1889 avec un unique clerc et sans téléphone bien sûr ! Celle-là même où, aujourd’hui, des collaborateurs rédigent sur ordinateurs des actes qui, demain, seront électroniquement signés avec la carte REAL, bien entendu !

Cette tradition familiale me permet de mesurer la modernité du notariat. Mes convictions dans les atouts du notariat n’occultent pas dans mon esprit ses faiblesses.

La première tient à la méconnaissance de notre fonction par l’opinion publique. La prestation relève du mystère, alors que nous l’estimons indispensable à la paix familiale. Son prix est apprécié comme élevé, alors qu’il est conçu dans une optique de justice sociale. Malheureuse faiblesse que de fournir une image si peu conforme à la perception que nous avons de notre fonction. Il faut encore progresser dans le volontarisme et la créativité : pour modifier plus profondément notre image, pour rendre positive notre réaction face aux projets politiques qui sont pour beaucoup d’origine européenne, pour attirer à nous les nouvelles générations nécessaires à notre développement.

De mes trente prédécesseurs, vous me permettrez d’en distinguer trois avec lesquels j’ai eu la chance de travailler directement. Le premier Luc Dejoie, mon père, m’a appris notre métier, m’a transmis notre éthique et m’a aidé à me forger des convictions. Le deuxième, Alain Lambert, m’a soutenu et judicieusement conseillé lorsque je présidais notre Congrès national. Le troisième, Armand Roth, m’a préparé à la charge que vous m’avez confiée en m’associant sans retenue aux décisions.

Le notariat se porte bien. Les notaires sont globalement compétents, bien équipés et disciplinés. L’institution notariale n’est pas gravement menacée même si des perturbations sont à craindre. Il faut profiter de l’accalmie qui dure pour se préparer aux coups de vents inévitables et se mettre en position d’affronter les périls que l’on imagine et encore plus ceux que l’on n’imagine pas. Cette profession, je la veux organisée et solidaire. Cette institution, je la souhaite ouverte et reconnue.

Une profession organisée

Je fixe à la direction générale de cette maison deux objectifs : la performance et la proximité. Les missions accomplies ici sont nombreuses et l’énergie ne fait pas défaut. Il faut nous interroger sur la pertinence de nos actions et ne pas hésiter à les évaluer. Cet objectif de performance, je le fixe aussi à L’ADSN. La performance devra se traduire par la qualité du service et la recherche de l’équilibre financier. Je souhaite à ce sujet qu’un débat s’ouvre dans notre assemblée sur la tarification des services fournis aux notaires par l’ADSN Plus que jamais, notre politique doit être expliquée et comprise. Plus que jamais, nos instances locales doivent trouver ici l’accueil qu’elles sont en droit d’attendre. Nos instances locales et en particulier leurs présidents et vice-présidents doivent mieux connaître cette maison, et ne pas hésiter à recourir à ses services.

« Je fixe au CSN deux objectifs : la performance et la proximité »

Un effort de communication sera fait en ce sens. Je demande à Monsieur le directeur général, mais aussi à l’ensemble des administrateurs, d’intégrer cette proximité de manière encore plus importante. Cette politique de proximité devra s’étendre à l’ADSN et à ses filiales. Il est en effet anormal que les formidables outils mis en place ne soient pas utilisés. Une démarche qualité et une réflexion sur la communication seront lancées, notamment pour Real.Not et Perval. La procédure Télé@actes, l’acte authentique sur support électronique, et le minutier central seront des chantiers prioritaires.

Une profession solidaire

Solidaire, la profession l’est dans tous les sens du terme. Individuellement, chacun de nous répond des autres. Collectivement, il nous faut aider ceux qui peinent à accomplir leur mission. L’assistance aux notaires en difficulté, souvent évoquée, devra trouver des solutions. La réforme des inspections, aujourd’hui en chantier, doit viser à mieux prévenir les sinistres et à détecter ceux qui ont besoin d’assistance.

Je souhaite aujourd’hui m’attaquer à la formation continue des notaires. Ceux-ci, malgré les nombreux outils existants, négligent trop souvent leur propre formation. Deux projets seront entrepris dans ce domaine.

Le premier consistera à aider les notaires à se construire un véritable plan de formation continue avec un parcours individualisé et adapté à leurs besoins. Cette aide intellectuelle, éventuellement soutenue financièrement, sera contractualisée entre le CSN et le notaire qui devra respecter le parcours fixé. Ce parcours de formation continue pourra s’intégrer dans le plan de formation de l’office.

Le second projet fera appel aux technologies. Un site de formation continue sera ouvert dans l’Intranet des notaires de France. On y trouvera des catalogues et des modules de formation continue pour les notaires et leurs collaborateurs. Enfin, les formations à distance seront encouragées.

Une institution ouverte

Le notariat doit rayonner là où l’avenir se trouve : dans la jeunesse et en Europe. Cette ouverture à la jeunesse et cette ouverture à l’Europe sont les vrais défis que je vous lance et que le notariat français doit relever. La démographie notariale impose un large renouvellement des notaires et de leurs collaborateurs, dans les toutes prochaines années. D’ici dix ans, deux mille huit cents notaires sont susceptibles de quitter la profession, soit plus du tiers. Pendant ce mandat, notre mandat, mille notaires vont partir. D’ici 2010, c-à-d dans six ans, plus du quart de nos collaborateurs prendront leur retraite et, parmi eux, le tiers des cadres de nos études. Je veux mobiliser le notariat autour d’objectifs. Le notariat doit attirer les étudiants et favoriser l’augmentation du nombre des diplômés. C’est pourquoi les réformes en cours devront être achevées. La qualité de l’accueil réservé aux aspirants notaires et aux collaborateurs de haut niveau devra être améliorée. La procédure d’installation devra être simplifiée et modernisée. Une véritable « rénovation des dossiers de cession » sera entreprise et un logiciel adapté sera mis en ligne. Enfin, l’accueil des jeunes notaires au sein de la profession devra être amélioré. Un véritable « suivi » des jeunes installés sera organisé. L’intégration des jeunes notaires dans les actions collectives de la profession et dans nos instances professionnelles sera encouragée. Le notariat devra se mobiliser. Une mobilisation nationale sera engagée auprès des cours et des chambres. Nos organismes volontaires pourront utilement contribuer à cette mobilisation. Les notaires stagiaires et les notaires assistants seront consultés. Un symposium clora cette mobilisation. Il regroupera des responsables de la profession et les jeunes notaires nommés depuis l’an 2000. Les actions, ainsi validées par la profession tout entière, seront engagées. La dimension européenne fera partie intégrante de cette mobilisation. C’est l’institution notariale tout entière qui doit s’ouvrir à l’Europe. La Conférence des notariats de l’Union s’est élargie à dix neuf membres et la question de son fonctionnement se pose.

« C’est l’Institution notariale toute entière qui doit s’ouvrir à l’Europe »

Pour ancrer définitivement les questions européennes dans le quotidien du CSN, deux mesures sont aujourd’hui nécessaires. L’un des vice-présidents, sera chargé des affaires européennes et l’ensemble du bureau sera sensibilisé à ces questions. Une commission des affaires européennes sera créée au sein de notre assemblée avec des délégués de l’assemblée de liaison. La question de notre présence physique à Bruxelles doit être évoquée. Je la souhaite plus importante pour agir plus efficacement auprès de la CNUE et donc renforcer son action. Elle nous permettra également des contacts et une synergie plus forte avec les représentants du gouvernement français et nos parlementaires.

Au-delà des réactions que nous devons avoir sur les propositions de la commission, il nous faut dire pourquoi le statut du notariat, dont l’utilité sociale et l’efficacité économique sont reconnues en France, doit trouver sa place dans l’ordre juridique communautaire. Il nous faut démonter que l’organisation du notariat et son rôle auprès des citoyens s’intègrent dans les objectifs fixés par le traité de l’Union et dans ceux de la future constitution. C’est avec nos partenaires au sein de la Conférence des notariats de l’Union, s’ils le veulent, que ce travail de conviction et de persuasion devra être mené.

Une Institution reconnue

Des millions de français ont chaque année l’occasion de rencontrer un notaire. Le notariat est régulièrement consulté par les pouvoirs publics. Il reçoit lors de ses congrès, les plus hautes autorités de l’Etat. Pourtant, notre fonction et notre rôle social restent méconnus. Ce déficit de reconnaissance est particulièrement sensible et visible chez ceux que l’on appelle les « leaders d’opinion ». Je mesure tous les jours le manque de reconnaissance de la profession dans le milieu des élus locaux pourtant déterminant dans une République qui se décentralise. Un institut notarial des collectivités locales sera créé […}définir le positionnement de nos outils de communication et de mieux assurer leur complémentarité.

Je voudrais vous faire part de ma conviction dans l’avenir du notariat. Je souhaite qu’elle soit partagée par tous nos confrères. Ils nous ont confié la responsabilité du notariat. Je leur dis qu’ils peuvent compter sur moi et sur nous tous. Mais je leur dis aussi que l’avenir du notariat dépend de chacune et de chacun d’entre eux. Nous n’avons d’avenir que si chacun, chaque jour, dans son office, se montre digne du statut dont l’Etat nous a dotés pour accomplir notre mission de service public. Que l’un de nous faiblisse et c’est la profession tout entière qui souffre. Que l’un de nous défaille et c’est l’institution tout entière qui est ébranlée.

Je demande à chacun de vous de porter ce message. S’il est entendu, nous aurons alors été utiles au notariat. »

Partager :

Auteur/autrice : Laurent DEJOIE

Laurent DEJOIE Notaire Président de l'Association du Notariat Francophone Vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire

5 réflexions sur « Pour une profession organisée et solidaire »

  1. Est-il compatible d’être maire et notaire ? La connaissance du foncier et les interventions possibles d’un maire sur le foncier sont-elles compatibles avec l’enrichissement personnel d’un notaire ? Quelle est vôtre position sur le sujet ?

  2. Réponse à saint Just – Il est absolument compatible d’être maire et notaire. La loi et les réglements encadrent les risques d’ingérence – Le notaire ne peut pas recevoir les actes de la commune dont il est le maire – Il ne délivre pas les autorisations d’urbanisme auxquelles peuvent être intéressés l’un de ses clients : le Code de l’Urbanisme règle cette question comme pour d’autres professions voisines – Il faut rappeler que le notaire est un officier public soumis à une déontologie et à des règles disciplinaires strictes – En ce qui me concerne, j’ai toujours veillé à éviter toutes interférences entre mon activité professionnelle et mes fonctions électives comme cela doit être le cas pour tout élu exercant son métier dans la commune dont il est maire.

  3. Je suis bientôt notaire-stagiaire et je suis conscient que le salaire d’un notaire stagiaire ou même un notaire titulaire assistant, n’est pas très élevé (voire, dans certaines grandes villes, dérisoire)…que penser de ce phénomène qui tend à penser de la manière suivante: s’installer à son compte ou quitter la profession. Mes collègues étudiants en droit se posent la même question!
    cordialement

  4. Notaire stagiaire depuis un mois, ce n’est pas le point de la rémunération qui m’interpelle mais plutôt celui de la formation des futurs notaires et de leurs collaborateurs. Comme vous l’avez annoncé, une partie significative de la profession va partir en retraite et je m’étonne que les stages soient aussi durs à trouver. Dans ma promotion de DSN, nombre d’entre nous n’ont trouvé leurs stages de deux ans que de justesse et certains n’ont pas eu cette chance. Je pense qu’il faudrait d’avantage inciter les études à former les générations à venir ou la profession finira par manquer cruellement de collaborateurs.
    Peut-être faudrait-il rappeller également que" le notaire a le devoir de contribuer à la formation des notaires stagiaires et aux enseignements dispensés dans les Centres de Formation professionnelle et les écoles de notariat … (article 15 du règlement national)

  5. Réponse à SISSI – Je ne peux que partager vos propos. la politique de la profession a toujours été de contribuer au recrutement des stagiaires et lorsque la conjoncture n’était pas bonne a mis en place des aides spécifiques pour les offices recrutant des stagiaires. N’hésitez pas à alerter votre centre de formation sur le difficultés qui peuvent se présenter; en tout cas, je reste à votre disposition.

Les commentaires sont fermés.