106ème Congrès des Notaires de France (Suite)

Pour ceux que cela intéresse, en cliquant sur « Lire la Suite », vous pourrez lire le très beau discours prononcé par le Président du Conseil Supérieur du notariat, Jean-Pierre FERRET, hier matin lors de la séance d’ouverure de notre Congrès.

Pour ceux que cela intéresse, en cliquant sur « Lire la Suite », vous pourrez lire le très beau discours prononcé par le Président du Conseil Supérieur du notariat, Jean-Pierre FERRET, hier matin lors de la séance d’ouverure de notre Congrès.


106ème Congrès des Notaires de France
Discours de Jean-Pierre FERRET, Président du Conseil Supérieur du Notariat
Lundi 31 mai 2010
Madame le Ministre d’Etat,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les hauts magistrats,
Mesdames et Messieurs les personnalités,
Mesdames, Messieurs,
Chers confrères,
Ainsi donc le notariat inscrit le couple au centre de ses débats bordelais. L’équipe conduite par Damien Brac de la Pérrière et Jean François Sagaut dont nous venons d’entendre les remarquables introductions, a accompli un immense travail qui mérite d’ores et déjà notre reconnaissance.
Vous savez tous que le discours du Président du Conseil Supérieur lors du Congrès, n’a pas pour objet d’aborder le sujet de ce dernier. Pourtant mon propos ce matin restera sur le thème du couple. Mais les couples dont je veux vous parler sont d’une autre nature.
Je vous invite en effet à quitter la sphère familiale pour observer les alliances, les unions, qui se font (ou se défont parfois) dans la sphère publique. Elles obéissent en effet, pour l’essentiel, aux mêmes ressorts que les précédentes. Ces ressorts sont la confiance mutuelle, le respect partagé, la franchise réciproque, la vision commune de l’avenir.
Il en est ainsi d’un gouvernement à l’égard du peuple qui l’a élu. Il en est de même d’une tutelle à l’égard de ceux qui sont placés sous sa protection en même temps que son contrôle. Ainsi en est-il encore du Conseil Supérieur du Notariat que je représente aujourd’hui, à l’égard des notaires de France réunis en ce lieu.
Comme dans les couples qui fondent la vie de famille, les accidents, les crises, peuvent, lorsque leur fréquence met fin à la confiance, conduire à la rupture. Mais fort heureusement, tant que la confiance demeure, ces mêmes évènements peuvent constituer autant d’opportunités d’éprouver la solidité des liens, de les renforcer encore afin qu’une solidarité nouvelle permette d’affronter d’autres périls.
On les surmonte d’autant plus aisément que la passion est intacte.
Alors oui, je l’affirme, les notaires ont la passion du droit, la passion de notre droit, si patiemment élaboré par nos prédécesseurs, et qu’à notre tour nous contribuons à adapter aux attentes de nos contemporains. Ce droit, qui fut un temps porté aux delà des frontières par la force de nos armées, et que nous exportons aujourd’hui avec succès, par la force de nos convictions.
Notre passion du droit s’exprime aussi par notre passion d’un métier qui présente le paradoxe d’être profondément enraciné dans notre civilisation et pourtant de demeurer méconnu.
Les notaires, de réputation si raisonnable, ont démontré qu’ils savaient exprimer cette passion. Nos Etats Généraux du 28 janvier dernier, événement unique dans les annales du notariat, en ont témoigné avec éclat.
Nous étions alors 7200. Nous aurions pu être 9000, et même 50.000 tant nos collaborateurs souhaitaient participer à cette journée. Le notariat sait être discret, c’est là une de ses vertus, mais il sait aussi et saura encore se mobiliser si les circonstances l’exigent, et c’est là, n’est-ce pas mes chers Confrères, une de nos forces.
Mais si les notaires savent exprimer leur passion, cela n’enlève rien à leur raison. Même si passion et raison s’opposent, elles sont pourtant les deux extrémités du balancier qui permet de préserver l’équilibre. Qu’une des extrémités l’emporte sur l’autre et la chute n’épargnera personne. Il ne saurait donc, dans cette opposition, y avoir de vainqueur.
La passion sans raison conduit au dérèglement, alors que la raison sans passion mène au découragement.
C’est entre ces deux écueils qu’il nous faut naviguer : vous, Madame le Garde des Sceaux, à la tête de la chancellerie, moi, mes chers Confrères, devant vous.

Tous juristes dans cet auditorium, nous connaissons la sagesse et la passion du chancelier d’Aguesseau, l’un des précurseurs du Code civil. Il écrivait: « l’homme n’est jamais plus libre que lorsqu’il assujettit ses passions à la raison et sa raison à la justice ».
Je veux dans mon propos faire alterner passion et raison, afin d’engager les notaires de France à privilégier la seconde, conformément à leur tradition de sagesse, sans renoncer à la première, sans laquelle il n’est ni enthousiasme ni audace.
J’ai parmi mes pairs, l’image d’un homme paisible, rejetant la colère, méprisant l’excès et j’ai aussi, comme tous mes prédécesseurs, l’inestimable avantage de ne pas avoir à prolonger mon mandat.
C’est pourquoi, alors que ce dernier s’achèvera dans quelques mois, je vais me risquer à vous livrer mon sentiment sans crainte de déplaire, ni envie de complaire.
Tout au plus, mes Chers Confrères, puis je regretter que l’un d’entre vous ne soit pas devenu Président de la République, ma tâche en aurait été largement simplifiée.
La passion d’abord, que vous avez perçue j’en suis certain, aux Etats Généraux du notariat auxquels vous nous aviez fait, Madame le Ministre, l’honneur de votre présence. Soyez certaine que les notaires de France sont attentifs à trouver, auprès de l’Etat et des pouvoirs publics, la même passion pour notre droit et pour l’authenticité qui en est l’un des fondements.
Je sais que vous œuvrez avec ardeur à la promotion de notre système de droit. J’ai pu constater comment, avec passion, mais aussi avec raison, vous en vantiez les vertus lors d’une récente visite officielle au Liban et en Jordanie à laquelle vous m’aviez convié. Dès à présent nous travaillons avec vos services pour donner des suites concrètes aux propositions de collaboration que vous avez présentées à votre homologue libanais. Je sais aussi que vous appréciez la part désintéressée que le notariat prend à cette action de prosélytisme.
C’est dans cet état d’esprit que nous participons aux missions gouvernementales en Haïti et que nous sommes engagés au Vietnam dans une ambitieuse réforme foncière.
De la même manière nous serons présents à l’exposition universelle de Shanghai. Le notariat français a créé il y a dix ans dans cette ville un Centre de formation juridique sino-français. Par cette présence, nous avons activement contribué au développement d’un notariat libéral que les autorités chinoises ont entendu promouvoir à l’effet d’assurer la sécurité indispensable au développement économique du pays.
Je veux rappeler aussi, devant vous tous mes chers Confrères, la constance comme la vigueur de notre gouvernement à défendre ses notaires devant la Cour de Justice de Luxembourg, dans le contentieux qui l’oppose à la Commission sur la condition de nationalité. L’audition publique devant la Grande Chambre de la Cour le 27 avril, a permis aux représentants de la France, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Autriche, de l’Allemagne et de la Grèce, tous mis en cause, mais aussi de la Bulgarie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Pologne et de la Slovénie, venues en soutien, de faire entendre leurs arguments.

Nous le savons tous le notariat, contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, n’est pas une exception française, il est profondément ancré dans la culture et la tradition de l’Europe continentale. Le représentant de l’Etat français l’a vivement rappelé devant la cour de Luxembourg et il s’est montré particulièrement convaincant. Une telle mobilisation des tenants du droit continental face à la Commission démontre que tous ont compris les véritables enjeux de cette procédure.
Je peux vous assurer, mes chers Confrères, que si certains dans nos rangs doutent parfois du soutien de notre tutelle, la démonstration faite à Luxembourg serait de nature à lever leurs appréhensions.
Mais si ceux là doutent à tort, d’autres s’inquiètent à raison sur la difficulté d’être prophète en son pays lorsque l’on prône la rigueur et la transparence.

Quand le discours n’y suffit, il peut arriver que les évènements y suppléent. Car voici venus les temps de vérité. La prétendue auto régulation des marchés financiers outre atlantique n’a pu faire obstacle à des pratiques bancaires qui privilégient la manipulation mathématique à la réalité économique. Prêter à des clients peu solvables en leur laissant croire qu’ils vont s’enrichir peut faire le profit des courtiers et satisfaire l’ego des banquiers, mais ne peut que contribuer à la création de bulles qui finiront forcément par éclater. Ce fut le premier coup dont l’économie mondiale peine à se remettre. Comme beaucoup d’autres, le notariat en a subi les durs effets.
Mais aujourd’hui, comme pour reporter sur les Etats la responsabilité de la crise, ces mêmes financiers spéculent sur le poids de leur dette. Comment peut-on dépendre de ceux, qui il y a peu encore ont apporté la preuve de leur légèreté, pour faire et défaire des politiques publiques ?
Quand cessera-t-on de vivre sous la houlette d’ayatollahs qui sont d’autant plus appréciées des tenants d’un libéralisme échevelé qu’ils ne s’embarrassent pas de légitimité démocratique?
Là aussi, après tant d’excès, la raison reprend le dessus. Fort logiquement elle appelle à l’effort collectif lequel sera d’autant mieux accepté qu’il sera voué tout entier à l’intérêt général.
Dans les périls et nul ne peut nier qu’ils sont grands, seul l’intérêt général doit dicter la conduite des affaires publiques. Il doit aussi inspirer les professions qui y apportent leur concours.
Le notariat, parce que fidèle à l’Etat et conscient de ses missions, a toujours accepté de contribuer à la réduction des dépenses publiques.
Garant de la sécurité des opérations immobilières, il a mis son savoir faire et sa maîtrise des nouvelles technologies au service d’un partenariat étroit avec le Ministère des Finances : l’opération télé@actes, par la dématérialisation des échanges avec les Conservations des hypothèques et le Trésor Public a permis à l’Etat de réaliser des économies significatives.
Le notariat s’est aussi mobilisé pour répondre avec encore plus d’efficacité aux attentes de TRACFIN dans la lutte contre le blanchiment de l’argent sale : adoption et diffusion de nouvelles instructions pour les inspections annuelles des études, publication et diffusion à tous d’un guide anti-blanchiment, organisation de séminaires de formation.
Pourtant tous ces efforts, qui font du notariat un contributeur important à la lutte contre le blanchiment pourraient être encore plus productifs. Chacun sait que les montages sociétaires sont souvent utilisés dès lors que les participants veulent rendre opaque des opérations immobilières douteuses. Combien de transmissions de parts de sociétés immobilières se réalisent en toute discrétion, échappant ainsi à tout contrôle pour le plus grand bonheur des protagonistes ? La réglementation en la matière devrait évoluer. Il est souvent question d’étude d’impact avant de proposer une nouvelle mesure. Dans ce domaine elle serait vite faite et ses conclusions évidentes : non seulement TRACFIN verrait croître ses moyens d’investigation, mais encore le consommateur, que la loi protège en matière immobilière, verrait ses droits respectés, et enfin le Trésor Public serait assuré de percevoir les droits d’enregistrement et les plus values. L’une des missions du notaire n’est elle pas justement de satisfaire à tous ces objectifs ?
Dans un autre domaine, sur la demande des pouvoirs publics, le notariat est déjà venu soulager les greffes et les tribunaux dans la délivrance des actes de notoriété et demain dans l’enregistrement des PACS. Il viendra bientôt soulager les consuls dans l’exercice de leurs fonctions notariales. Il signe des accords avec les collectivités locales pour la dématérialisation des déclarations d’intention d’aliéner, des documents d’urbanisme ou d’état civil.
Et, plus récemment, dans le cadre de la solidarité nationale, les notaires de Charente Maritime et de Vendée s’investissent au côté des familles, en partenariat avec France Domaine, pour faciliter le traitement des dossiers de rachat par l’Etat des maisons appartenant aux victimes de la tempête Xinthia.
Cette liste, Madame le Ministre, pourrait s’allonger à l’envi, tant le réseau notarial constitue pour les pouvoirs publics une ressource utile. La réforme de la perception des plus values immobilière a démontré que les notaires sont parfois mieux placés que les services de l’Etat pour accomplir certaines missions de collecte d’impôts ou plus simplement d’informations.
Nous sommes des officiers publics, et l’Etat doit demeurer conscient qu’il a à portée de main un allié fidèle qui lui apporte le triple bénéfice de son implantation locale, de sa technicité et de sa disponibilité.
Ainsi en est-il des statistiques immobilières. Un rapport récent stigmatise l’absence d’éléments fiables sur la réalité du marché de l’immobilier. Le ministre du logement manifeste une volonté impatiente de disposer de cette connaissance précise.
De toutes les sources, celle nourrie par les bases notariales paraît aux experts, la plus solide. Mais on leur reproche de paraître avec retard. Même s’il est souvent exact que fiabilité rime rarement avec empressement, le Conseil supérieur et la Chambre des notaires de Paris, unissant leurs efforts, ont fondé un nouvel outil d’élaboration d’indices plus précis et dans le même temps ils constituent une base des avants contrats. Ces avancées, confortées par l’obligation d’alimenter les bases contenue désormais dans notre règlement national, nous permettent de prétendre à une nouvelle mission de service public. Pour cela il ne manque qu’une disposition législative : nous sommes prêts, puisque l’Etat le demandait.
Mais il est des domaines, Madame le Ministre, ou vous nous demandez beaucoup plus. Vous nous avez invité à la réconciliation avec les avocats alors qu’à aucun moment nous n’avons été de ceux qui ont porté le trouble. Vous le savez, nous avons été la cible de remises en cause injustifiées, et pourtant c’est à nous qu’il est demandé d’accepter, par respect de l’autorité de l’Etat, les avantages accordés aux autres. En bref, il nous est demandé de faire taire nos passions pour parler un langage de raison.
Difficile après deux années pendant lesquelles le notariat s’est vu placé dans l’inconfortable situation du sursitaire. La prospérité et la morale de notre société avait-elle atteint un degré de perfection tel qu’il pouvait justifier la suppression de notre profession ? Le notariat avait pourtant réussi à mettre en place un niveau de sécurité incomparable tant pour les mutations immobilières que pour les grands évènements de la vie des familles ? Ou à défaut de la supprimer le moment était-¬il venu de la banaliser en accordant le sceau de l’Etat à quiconque le souhaitait ?
Que nous reprochait-on ? Nos effectifs ? Alors même que la profession demeure parfois le seul service public dans les cantons délaissés ; notre tarif ? Alors même que tout observateur objectif ne peut que reconnaître son caractère redistributif ; notre ancienneté ? Alors qu’elle apporte la preuve de notre adaptation permanente aux exigences nouvelles de la société. Et depuis quand l’ancienneté serait-elle une faiblesse, alors que le barreau de barreau de Paris va dans quelques semaines célébrer le bicentenaire de son rétablissement ?
La Commission présidée par Me Darrois, face à certaines évidences, ne pouvait que décevoir ceux qui en attendaient le grand soir. Et pourtant les propositions qu’elle formule sont loin d’être sans conséquence.
Vous avez su en écarter certaines, dont notamment le prélèvement sur le chiffre d’affaires des professionnels pour alimenter l’aide juridictionnelle.
Mais pour le reste, c’est encore une fois c’est au bon élève, à celui dont on ne peut douter de la rigueur et du dévouement, qu’il va être demandé de faire encore plus d’efforts pour améliorer le sort de ses camarades moins disciplinés.
Sans doute reprenant les mots de Martin Luther King, chacun doit en convenir :
« Il nous faut apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots ».
Là est bien, je crois, le sens du message que vous avez exprimé le 28 janvier.
Nous vous avons entendu puisque avec mon homologue du Conseil national des Barreaux, Maître Wickers que je salue ici, nous avons entamé un dialogue sur les dossiers communs dans lesquels nous pouvions trouver des solutions concertées.
Ainsi en est-il de l’inter-professionnalité, non d’exercice bien évidemment, mais capitalistique ou encore de la formation continue. Ainsi en sera-t-il, pour les dossiers ne relevant pas de la compétence exclusive du notaire, du partage des honoraires comme le prévoit désormais notre nouveau règlement national.
En revanche il est exclu d’envisager un tel partage chaque que les pouvoirs publics, pour des raisons bien connues, confèrent aux notaires un droit exclusif, avec pour contrepartie un tarif contraignant. Je l’ai dit aux représentants du barreau, prétendre à un partage des émoluments tarifés, les notaires ne l’accepteront jamais !!! J’ose espérer que nous ne serons pas les seuls auxquels il est demandé de se montrer raisonnable et que sur cette question vous saurez aussi, Madame le Ministre, faire prévaloir la raison. C’est sans doute aussi la passion immodérée des avocats qui leur fit inventer il y a quelques années déjà, un nouveau type d’acte, qu’ils prétendaient voir assimilé à l’acte authentique. La commission Darrois devait retenir cette idée et proposa donc l’acte contresigné.
A la faveur d’une rédaction plus convenable, vous avez voulu, Madame le Ministre, nous convaincre qu’il ne s’agissait nullement là de créer un troisième type d’acte, mais tout simplement d’encourager nos concitoyens à recourir, pour des actes ordinaires, des actes de la vie courante, au conseil d’un professionnel du droit plutôt que de prendre les risques de l’automédication.
Vous avez su rétablir l’équilibre qui nous semblait singulièrement absent des recommandations en rafale des rapports successifs, en confortant le notariat dans la sécurisation des opérations immobilières et aussi dans le droit de la famille.
La première lecture par les députés du texte portant création du contreseing de l’avocat et parallèlement la confirmation, par inscription dans notre Code civil, du rôle fondamental du notaire dans les mutations immobilières est désormais annoncée pour la fin du mois de juin.
Longtemps, les notaires ont entendu que le contreseing dans sa version initiale, obéissait à une raison d’Etat : Celle qui est parfois invoquée lorsque l’on se trouve démuni de motifs raisonnables. Ils vont être attentifs demain aux raisons de droit que vous présenterez aux députés, et aux limites que vous imposerez à ce nouvel instrument dans sa nouvelle version pour qu’il ne devienne pas une merveilleuse opportunité pour les cabinets anglo-saxons de renforcer encore leur position.
L’exposé des motifs du projet de loi rappelle expressément la vocation de ce contreseing. L’objectif est d’inciter le recours à l’avocat chaque fois que les parties rédigent elles-mêmes leurs conventions, persuadées que la formule trouvée sur internet ou prêtée par le voisin ou le collègue de travail est une garantie suffisante pour leur sécurité.
J’ai encore en mémoire les propos que vous teniez à Beyrouth, il y a quelques semaines, devant l’élite des juristes libanais. Vous déclariez :
« L’acte authentique contribue à la confiance. Les notaires garantissent ainsi la fiabilité des contrats, testaments, donations. ….. L’acte contresigné par avocat renforcera la sécurité juridique des actes quotidiens, dans le respect des spécificités des professions du droit ». J’ai apprécié ce rappel, Madame le Ministre : Chaque fois que la loi requiert l’intervention d’un notaire, c’est en raison des garanties qu’il apporte aux parties et aussi à l’Etat. Les notaires qui sont devant vous attendent que vous leur confirmiez que l’acte contresigné n’est pas destiné demain à revendiquer les mêmes domaines d’intervention.
En effet il ne se passe pas de semaines sans que dans les colonnes de telle ou telle revue un membre du barreau souligne que même s’il n’a ni force exécutoire, ni date certaine, l’acte contresigné apporterait une sécurité équivalente à celle de l’acte authentique, sans avoir ni la lourdeur ni le coût de ce dernier. Pourquoi cette comparaison, si ce n’est pour attirer une clientèle à laquelle l’acte authentique apporte déjà une sécurité inégalable ? Que sont devenues les belles plaidoiries en faveur de la sécurité qu’il faut apporter à tous ceux, et ils sont fort nombreux, qui signent des conventions sans faire appel à un professionnel ?
Je conçois que vous attendiez des professionnels du droit qu’ils sachent vivre ensemble au service de leurs clients plutôt qu’ils se les disputent.
Encore faut-il rappeler que la seule garantie d’une paix véritable, est l’absence de jalousie et la renonciation à se nuire. Pour parvenir à la paix que vous appeliez de vos vœux, un engagement a été pris et vous savez mieux que quiconque que dans le projet dont le parlement est saisi, chaque mot a son importance.
Il est vrai que, face aux nombreuses prétentions qui ont agité les tribunes ces derniers mois, certains dans les rangs du notariat, voient dans le contreseing, par une interprétation extensive, un poison fatal.
Les mêmes redoutent encore que les actes contresignés puissent être déposés au rang de nos minutes et acquérir un caractère authentique, sans autre intervention du notaire. Chacun sait pourtant qu’un acte sous seing privé ne peut se voir conférer un caractère authentique que si la reconnaissance d’écritures et de signatures est le fait de l’officier public, c’est une évidence qui ne doit pas être oubliée.
Mais il est une autre évidence, celle que ces alertes, même infondées, témoignent d’une inquiétude que chacun aurait tort de négliger.
Pourquoi cette inquiétude ? Alors que je soutiens devant mes Confrères que le projet de loi vise à instaurer une paix durable, ils me signalent quotidiennement des préparatifs de guerre : – Pourquoi certains barreaux se lancent-ils dans la négociation immobilière ? – Pourquoi tels autres mettent-ils sur pied des formations sur la vente immobilière – Que signifient les offres de services faites aux réseaux d’agences immobilières pour rédiger ou contresigner les avants contrats ?
Un rapport n’est qu’un rapport avez-vous souvent dit. J’ajouterai qu’un accord est un accord. Un accord s’exécute de bonne foi ; il devient caduque si la bonne foi qui avait présidé à sa conclusion ne se vérifie pas.
Les notaires jusqu’à présent respectent cet accord, mais ils attendent qu’il soit exécuté de bonne foi.
Les notaires ont besoin d’être certains que leur tutelle veillera au respect des engagements pris. Ils ont besoin, pour dissiper les troubles qui subsistent, de ce regain de confiance.
Cette confiance viendra de ce que vous direz et de ce que vous ferez, Madame le Ministre, et de la certitude que vos propos engageront durablement l’Etat.
Comment puis-je demander aux notaires de se mobiliser pour toujours mieux répondre aux attentes des citoyens et des pouvoirs publics ? Comment puis-je leur demander de continuer, même en période de crise à former nos stagiaires ? Comment puis-je inciter les jeunes dans nos universités à rejoindre la spécialisation notariale, si dans le même temps les nuages se multiplient au point de former une barre qui semble fermer l’horizon.
Vos propos, Madame le Ministre, doivent dissiper les brumes pour que les notaires trouvent les raisons de poursuivre leur mission au service des français et des européens.
Car ce métier que nous exerçons avec passion, mes chers confrères, n’avons-nous pas le devoir de faire en sorte que les nouvelles générations puissent l’exercer avec la même satisfaction de servir l’intérêt général ?
L’un des piliers de la permanence du service notarial au plus près des besoins des usagers tient à son implantation. Vous nous demandez Madame le Ministre de développer notre adaptation aux nouveaux besoins. Les décennies passées prouvent que le Notariat a sans cesse évolué pour répondre avec efficacité aux évolutions de notre société.
Mais il est des domaines dans lesquels nous n’avons pas de faculté d’intervention. Ainsi la crise de ces dernières années a fait ressortir la nécessité d’aménager en certains points le tarif des notaires de telle sorte que la mission de service public puisse être assurée, sur tout le territoire, dans des conditions de rentabilité honorable.
C’est pourquoi le temps nous paraît venu, Madame le Ministre, de bien vouloir mettre à l’étude la révision des tranches en matière de rémunération des ventes immobilières. Le but n’est pas d’augmenter le chiffre d’affaires de la profession. Ma demande a pour seul objectif de permettre une plus juste rémunération des opérations les plus courantes. C’est une question de justice que je vous propose de régler afin que les offices, quel que soit leur lieu d’implantation, puissent continuer à remplir leur mission.
Il est un autre domaine, dans lequel le notariat, dans son ensemble, doit avoir des certitudes quant à son avenir. Nous allons devoir faire face aux graves difficultés de la Caisse de Retraite des Clercs et Employés de Notaires.
Ce régime spécial est comme d’autres, soumis à une asphyxie inéluctable. Compter plus d’ayant droits que d’actifs ne peut que générer un déficit insupportable. Depuis quinze ans, le conseil supérieur pressentant cette issue, appelle à des mesures raisonnables que la passion compréhensible des partenaires sociaux a rendues infaisables.
Aujourd’hui, il nous faudra agir sitôt que les dispositions générales sur les retraites auront été arrêtées par le gouvernement et transmises au parlement. Le coût prohibitif d’un retour au régime général fera que la passion des uns et la raison des autres pourraient se rejoindre sur un plan de sauvegarde de notre caisse qui la préserve mais au prix d’aménagements importants. Les notaires sont prêts à faire les efforts nécessaires. Mais ils ne pourront être les seuls et devront être confiants quant à leur avenir.
Cependant la sauvegarde de nos entreprises ne suffit pas à elle seule à rasséréner la profession. Il est d’autres signaux qui laissent entrevoir un avenir plus prometteur.
L’Europe qui s’est montré par la voix de certains commissaires d’outre-manche si hostile au droit continental se révèle désormais plus ouverte au notariat. La reconnaissance mutuelle des actes authentiques fait son chemin quand bien même elle rencontre la réaction des britanniques malheureusement soutenus dans leurs visées par le Barreau français.
Dans le même temps, Bruxelles attend l’expertise notariale dans nombre de projets de droit civil tel le droit des successions, celui des régimes matrimoniaux, ou encore celui des contrats. Vous avez d’ailleurs engagé de nouvelles réflexions de fond sur ce sujet majeur en y associant la profession, ce dont je vous remercie.
Dès lors, mes chers confrères, nous continuerons à construire notre développement tant nous avons maintes fois prouvé notre aptitude à créer des méthodes et des outils collectifs :
Notre système de formation, nos CRIDON, notre démarche qualité, notre informatique sont là pour nous rappeler que nous sommes la profession du droit la mieux organisée et la plus performante.
Nos clients le savent bien !!!
Les notaires côtoient les infirmières et les pompiers dans le degré de confiance et de sympathie des français. C’est peut être pour cela que l’on nous demande d’éteindre les incendies et de remédier aux maux des autres.
Cette confiance doit nous inspirer pour aller de l’avant. Vous en connaissez le vecteur, c’est le projet notaires de France – Horizon 2020.
Une démarche inédite, audacieuse, fondée sur la participation de tous puisqu’elle apportera un bénéfice à chacun.
Ce projet, basé sur l’expérimentation permanente d’idées nouvelles et concrètes, nous permettra non seulement de renforcer encore nos performances sur notre cœur de métier mais encore de répondre à des attentes nouvelles, tant de nos concitoyens que de l’Etat.
Mes chers confrères,
C’est dans l’union de nos forces que nous bâtirons le notariat de demain.
Chaque jour dans le secret de nos offices, nous savons bien, dans la confrontation des intérêts particuliers, devant l’expression des passions, faire entendre la voix de la raison.
Je vous convie plus que jamais dans ces temps difficiles non pas seulement pour nous, mais pour la nation, à faire valoir la raison.
Cela ne veut pas dire que la passion doit être bannie de nos ambitions, bien au contraire.
Sachons former le couple de la raison et de la passion. Prenons à la première la sagesse inhérente à notre art, saisissons dans la seconde le ferment de notre développement.
Donnons assez de raisons à notre passion pour nous persuader que d’un seul élan, nous emportions la certitude que le service public de l’authenticité a autant d’avenir que peut en avoir le sens de l’intérêt général.
Et puisque nous sommes à Bordeaux, je terminerai mon propos en citant Montaigne:
« Je tiens que ce qui ne peut se faire par raison, par prudence et adresse ne se fait jamais par la force ».
Je vous remercie.

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Auteur/autrice : Laurent DEJOIE

Laurent DEJOIE Notaire Président de l'Association du Notariat Francophone Vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire

Une réflexion sur « 106ème Congrès des Notaires de France (Suite) »

  1. bon, je n’ai pas tout lu!
    Mais choisir un notaire qui s’appelle Ferret à un congrès près du bassin d’Arcachon, je dis que c’est bien vu!

    La prochaine fois si c’est en Loire Atlantique prenez en un qui s’appelle Piriac, Penchateau ou Even ????

    ça c’est une chose et sinon attention aux dégustations de breuvages locaux qui peuvent altérer rapidement les facultés d’analyse et de synthèse…

    Pour le reste, faites pour le mieux!

Les commentaires sont fermés.