SARKOZY, Présomption d’innocence, Secret de l’instruction, et Procédure pénale

Un jude d’instruction a mis en examen Nicolas SARKOZY. Cette décision provoque chez moi deux séries de sentiments.

Le citoyen que je suis est surpris voire choqué et a beaucoup de mal à croire que Nicolas SARKOZY ait pu commettre les actes dont il se trouve aujourd’hui soupconné. Et je reste dans l’attente du moindre élément pouvant accréditer cette accusation grave.

Le juriste que je suis aussi se pose des questions sur notre procédure pénale. Comme je l’avais écrit en mai 2011 lors de l’affaire STRAUSS-KAHN (voir mon billet de l’époque), notre système juridique est confronté à une évolution de la communication qui le perturbe gravement.

Aujourd’hui, dans notre droit, l’appréciation des poursuites repose sur un homme : le juge d’instruction. Celui-ci, en se fondant sur son intime conviction décide ou non de renvoyer quelqu’un devant un tribunal. Ses investigations et ses actes de procédure sont couverts par le secret de l’instruction. En attendant le jugement, la personne mise en cause est présumée innocente.
Le problème est qu’aujourd’hui le secret de l’instruction est violé en permanence. Les procès-verbaux des auditions des juges se retrouvent en quasi-direct dans la presse au bon vouloir de on ne sait qui, les perquisitions se font sous l’oeil des caméras de télévision, etc.. La présomption d’innocence est une vaste rigolade puisque toute personne mise en cause ou simplement associée à une procédure est présumée coupable par le tribunal médiatique et le tribunal de l’opinion publique.

La lessiveuse médiatique se met en marche aussitôt. Le procès se fait non pas au tribunal mais dans les chaînes d’information en continu. Ni l’acccusé ni l’accusation ne s’expliquent. Le procès a lieu sans eux. Et quand le vrai procès a lieu, il est trop tard.

Ce que j’écris vaut pour Nicolas SARKOZY ou Jérôme CAHUZAC (également déjà condamné avant d’avoir été jugé!)  mais vaut aussi pour n’importe qui. Le battage médiatique est national voire mondial pour les uns, mais il peut être local pour d’autres et aussi destructeur.
Une réforme de notre procédure pénale s’impose. Elle devra tenir compte de la la réalité médiatique et technologique dans laquelle nous vivons et qui est incontournable.

Puisque le juge d’instruction peut par une simple décision livrer n’importe qui au jugement de l’opinion, il doit s’en expliquer et livrer à la même opinion publique les éléments qui l’ont conduit à mettre en examen quequ’un qui pourra alors s’en expliquer devant ses concitoyens.

 

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Auteur/autrice : Laurent DEJOIE

Laurent DEJOIE Notaire Président de l'Association du Notariat Francophone Vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire

5 réflexions sur « SARKOZY, Présomption d’innocence, Secret de l’instruction, et Procédure pénale »

  1. L’instruction accusatoire tant décrié ici des anglo-saxons permet un plus grand équilibre et une justice plus rapide.

  2. Il ne nous en faut pas plus pour comprendre que sa mise en examen est politique.

  3. Je ne suis pas juriste ,donc totalement béotien en la matière ,mais je voudrais essayer de comprendre.
    Laurent Dejoie dit qu' »une réforme de notre procédure pénale s’impose ».
    Mais pourquoi?
    La présomption d’innocence n’existe-t-elle pas en droit?
    Le secret de l’instruction ne s’impose-t-il pas dans le droit français?
    Pourquoi ne respecte- t-on pas le droit ? et qui le viole? et comment ?
    Ne doit-il pas y avoir enquête et sanction lorsque ce qui se dit dans le bureau d’un juge d’instruction s’étale sur la place publique dans les heures qui suivent?
    Pourquoi est-il accepté par les rédacteurs en chef que soient commentés dans la presse écrite ou sur les plateaux de télévision des propos qui devraient être tenus secrets?
    Que l’on m’explique pourquoi cette dérive semble être unanimement « autorisée ».

  4. BEPE pose les bonnes questions. On sait aujourd’hui que lors de la première audition de Nicolas SARKOZY les procès-verbaux étaient dans les rédactions avant même que les avocats ne les aient. En réalité, les juges utilisent la presse dans leurs procédures. On sait aussi que dans les affaires TAPIE, les télévisions étaient prévenues des perquisitions. Si l’on ne peut rien y faire – et je le crains – allons jusqu’au bout et que la procédure d’instruction soit contradictoire et publique.

  5. Pourquoi la presse n’est-elle, pour ainsi dire, jamais condamnée? Jamais censurée. Il y a faute grave quand on divulgue des éléments confidentiels, quand on profane le secret, quand on condamne sans preuve.

    Des sujets comme celui-ci sont jouissifs pour ces héros de l’info à la posture universelle: dans une main, on tient son stylo (un Mont-blanc, ou rien); on pose l’autre main sur la table, le bras légèrement dégagé du buste pour que l’air circule bien sous la manche; on sourit avec parcimonie à la caméra pour ne pas écailler le maquillage et l’on baisse langoureusement les paupières en fin de phrase avant de passer la parole à l’envoyé spécial, celui qui tient la chandelle sur la place, juste devant les épais murs du tribunal, là où se déroule la scène principale, le procès. Le moment est crucial. Avant même que le verdict ne soit tombé, on a pour principe premier d’annoncer la chute. La mise en croix, le pilori, la chaise électrique…. c’est au choix, mais c’est radical. C’est plié, par la presse.

    Le scoop: c’est comme ça qu’on dit, c’est pour ça qu’on ment, c’est ça qui rapporte gros.

    La presse people ou « l’oppresse people » attitude, celle de cette armée de flingueurs qui se prennent pour les Grands Prêtres de la Res Publica.

    Ce n’est pas rien tout de même, chaque jour, de tenir la une aux heures de grande audience. Il faut avoir de quoi se mettre sous la dent, il faut en avoir sous la semelle des « minables » à piétiner. Pas étonnant qu’on voit en même temps tous ces gens-là en première de couverture du TV magazine, dans leur tenue de baroudeur, partis dans les contrées lointaines mener combat contre les mines anti-personnel, volant pour la photo au secours des victimes de guerre, pour contrebalancer le quotidien, pour se donner bonne conscience peut-être, pour qu’on dise tout le bien d’eux. Propres sur eux, toujours !

    Un noble combat, ah oui, mais mine de rien, ils en posent des mines sous les pieds de leurs compatriotes, ils en jettent des bombes, ils tuent parfois par leurs certitudes, des hommes et des femmes dont l’innocence enfin reconnue ne suffira jamais à faire taire la rumeur, ne fera jamais oublier la puanteur de la délation, ne refermera pas la plaie du prisonnier, n’effacera pas la honte.

    La presse est rarement au service du beau.
    Phénix renaissant de ses cendres, je la préfèrerais à vampire dépouillant de son intégrité tout citoyen, célèbre ou non, riche ou pauvre, de droite ou de gauche, croyant ou impie.

    La presse: un mobile.

    Ceci ne s’adresse pas à toutes les exceptions, « exceptionnelles » d’intégrité que je salue avec admiration et dont je félicite le courage.

    Vers Pâques
    En ces temps-là, il y avait aussi la rumeur et un homme que l’on qualifiait d’imposteur…..

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